Une équipe de l’Inrap intervient sur prescription de l’État à Évrecy, sur le site de Saint-Aubin-des-Champs, dans le cadre de l’aménagement d’une zone résidentielle par la société Edifidès. En 2013, un diagnostic avait préalablement permis de détecter la présence inédite d’une nécropole datée entre la fin de l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, soit des Ve, VIe et VIIe siècles. La fouille, débutée depuis la mi-mars, confirme l’intérêt de cette découverte avec la mise au jour d’une nécropole complète de plus de 300 sépultures dont certaines contiennent un riche mobilier. L’étude de ce site fait intervenir plusieurs spécialistes, dont des anthropologues, des céramologues, des spécialistes du verre et du mobilier métallique.
Les pratiques funéraires
Les archéologues ont mis au jour les sépultures à des profondeurs variées, dont certaines creusées jusqu’à 1,50 m. Elles contiennent généralement un défunt ayant été inhumé dans un coffrage en bois, aujourd’hui disparu. Si la majorité des sépultures ne recèlent aujourd’hui plus d’objet ni de vêtement, un tiers d’entre elles a cependant permis de découvrir un mobilier riche et varié, dont la typologie permet de regrouper les sépultures en deux grands ensembles. Les tombes avec des objets déposés, des accessoires et des éléments de parure datent du Ve siècle. Dans l’une d’elle, particulièrement riche, les archéologues ont mis au jour le squelette d’un homme adulte avec une vingtaine d’objets : céramiques, verreries, bassin en bronze, assiette en étain, seau en bois avec cerclage en bronze décoré, hache franque, fer de lance, poignard à la ceinture et monnaie en argent déposée sur la bouche. Une paire de chaussures était également posée sur ses pieds. Après le Ve siècle, les objets dans les tombes sont moins nombreux, le christianisme incitant au dépouillement du défunt dans l’au-delà. Ainsi les tombes datées du VIIesiècle contiennent des individus avec des boucles de ceintures, en bronze ou en fer, simples ou complexes et décorées. Actuellement, le mobilier mis au jour dans les tombes n’a permis de dater aucune d’elles du VIe siècle ; cependant la fouille durera encore plusieurs semaines.
Le cimetière du village au haut Moyen Âge
Les premières études menées par les anthropologues sur ces vestiges humains permettent dès à présent de confirmer que toutes les catégories d’âges et de sexe sont représentées dans cette nécropole. Peu de sépultures de jeunes enfants ont été inhumées en revanche, alors qu’il s’agit d’une population fragile. Cela ne constitue pas pour autant une anomalie, les tombes moins profondes ayant pu être perturbées au fil du temps. Parfois, les jeunes enfants étaient également exclus du cimetière communautaire, tant au cours de l’Antiquité qu’au Moyen Âge. Les archéologues déduisent donc de ces informations qu’il s’agissait du cimetière d’une petite communauté villageoise, qui a vécu à Évrecy entre le Ve et le VIIe siècle. Cette nécropole est abandonnée à la fin du VIIe siècle, sans doute au profit d’un ou plusieurs autres sites funéraires. Il s’agit alors de cimetières chrétiens situés à proximité de l’habitat et sans doute d’un ancien monastère fondé au VIIe à l’emplacement de l’église actuelle Saint-Pierre d’Évrecy.
L’opportunité de l’opération
La découverte de cet ensemble funéraire revêt un caractère inédit à plus d’un titre. Non répertorié sur des sources plus anciennes, le site n’avait encore jamais fait l’objet d’études ou de pillage, de sorte que le mobilier funéraire y est conservé de manière exceptionnelle. Il apportera de précieuses informations sur les Ve et VIe siècles, périodes peu documentées en archéologie. De plus, les limites du chantier de fouille permettent d’avoir ici la nécropole dans sa totalité, les archéologues ayant repéré l’enclos qui la délimitait.
Les scientifiques disposent ainsi de tous les éléments pour mener une étude exhaustive sur l’histoire et les modes de vie de cette communauté. Plus largement, ce site ne trouvant que peu d’équivalents au niveau régional (citons toutefois les sites de Saint-Martin-de-Fontenay ou de Michelet à Lisieux), il deviendra une référence majeure dans l’étude des pratiques funéraires en Basse-Normandie, témoins des phénomènes d’acculturation qui marquent cette période de transition entre la fin de l’Empire romain et les débuts de la christianisation.
Aménageur
Edifidès
Contrôle scientifique
service régional de l’Archéologie (Drac Basse-Normandie)
Recherche archéologique
Inrap
Adjoint scientifique et technique
Cyril Marcigny, Inrap
Responsable scientifique
Aminte Thomann, Inrap
da inrap.fr